Kamal Benkirane est auteur, poète et essayiste résidant au Québec et lauréat de plusieurs prix de poésie en France. Après avoir décroché une licence en littérature française, Kamal Benkirane, devient enseignant et se met à l’écriture en publiant dans plusieurs revues et journaux marocains. Il s’implique dans plusieurs associations littéraires, dont Les amitiés poétiques et littéraires du Maroc, et obtient plusieurs prix en poésie classique et néo-classique en France, dont le prix Verlaine en poésie néo-classique. En 2001, il s’installe au Québec, étudie les sciences de l’éducation à l’université de Montréal, obtient une maîtrise en Éducation et rejoint après l’Alliance des professeurs de Montréal. En 2005, il devient citoyen canadien et publie cette année-là, aux éditions québécoises Fleur de lys, un recueil de poèmes (Les Ormes diaphanes), puis motivé par la fusion entre la littérature et les technologies de l’information, il fonde en 2006 une maison d’édition électronique (E-passerelle) dont l’objectif est de promouvoir les littératures francophones du monde en Amérique du Nord. En 2016, son roman : J’ai tué l’hiver, publié chez l’Harmattan, a été sélectionné au Prix Africain méditerranéen.
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Avec ce roman – L’ombre de tes lumières – Kamal Benkirane nous interpelle sur le sentiment de l’amour chez un couple d’aînés, et sur leur résilience à lutter contre les impulsions de la vie. Les malaises de nos sociétés contemporaines y sont interpellés, avec une introspection sur la démesure de l’amour idéalisé.
Échos littéraires : Kamal Benkirane, Bonjour, avec ‘’L’ombre de tes lumières’’, vous nous invitez à engager une réflexion sur les relations humaines et les épreuves de la vie. Vous abordez la résilience, des questions sur les malaises de nos sociétés contemporaines, notamment la démesure de l’amour idéalisé. Pourquoi vous avez voulu décortiquer ce sujet sous forme de roman ?
Kamal Benkirane : Les relations humaines sont souvent le vecteur des relations saines, et beaucoup de conflits entre les personnes sont dues soit à un manque de compréhension, soit à un manque de communication. J’ai voulu dans mon roman (L’ombre de tes lumières) décortiquer ce sujet dans le contexte de l’amour idéalisé, sous forme de roman, afin de mettre sous la loupe ces malaises, les analyser, essayer de les comprendre et de permettre aussi au lecteur d’en faire sa propre lecture. Le roman, comme genre littéraire, permet une magnifique intrusion dans les faits d’actualité tout en brossant un tableau représentatif sur les personnages, les péripéties, l’environnement sociétal, le dénouement, etc. Il est à mentionner aussi que le féminicide qui est le sujet central de mon roman a été un fait marquant au sein de la société québécoise au temps du Covid. L’enfermement et le déséquilibre généré en ces temps ont créé de graves conflits au sein des familles et des couples, aussi au sein des communautés culturelles, dont notamment, la communauté maghrébine. J’ai tenté donc de mettre la lumière sur la résilience des personnages tout en projetant à travers le roman, comme genre littéraire, la dynamique des personnages à travers les dialogues, leurs mouvances en tant que personnes hétérogènes, la complexité de leur caractère, mais aussi et surtout leur solitude dans un monde cruel, et où les valeurs sont de plus en plus dévalorisées.
Échos littéraires : Pourquoi, à votre avis, cette impossibilité d’entrevoir le monde à travers la sensibilité de chacun ?
Kamal Benkirane : Cette impossibilité, est de plus en plus tangible dans les relations. Je pense que les réseaux sociaux et leur présence dans nos vies y sont pour quelque chose, mais encore, l’individualisme de la société nord-américaine comme mode de vie produit un éclatement dans les relations et rend les gens de plus en plus renfermés et repliés sur eux-mêmes. Les gens sont de plus en plus absorbés par leur téléphone et de moins en moins empathiques à ce qui se passe autour d’eux. Chacun n’est intéressé que par ses propres intérêts, et cela est le propre du monde capitaliste qui vénère l’argent et n’a aucune pitié envers les perdants. Or, cet effritement est causé enfin par ce système dans lequel la rapidité a plus de valeurs que la lenteur et la saine communication. Les sensibilités sont plus que jamais orientées vers du consommable plutôt que vers l’humain et c’est là où le bât blesse.
Échos littéraires : Vous êtes directeur de l’Association Culturelle Passerelle. Vous avez participé à plusieurs projets dans le cadre de la promotion de l’interculturalité et des auteurs francophones au sein de la francophonie québécoise et canadienne. La question est évidente, comment va la littérature maghrébine au Québec ?
Kamal Benkirane : Je pense que la littérature maghrébine au Québec a besoin de beaucoup plus de présence et de reconnaissance. De bons écrivains maghrébins publient des livres de bonne facture, mais l’écho au Québec n’est pas si consistant. Il y a un manque de visibilité et j’ai même envie de dire un manque de reconnaissance. Les maisons d’édition au Québec ne sont pas suffisamment armées pour publier tout le monde, encore qu’il y a très peu de salons du livre au Québec pour faire valoir cette littérature d’où provient Assia Djebbar, Driss Chraibi, Mohammed Dib, Mouloud Feraoun, Abdelkebir Khatibi , etc et la liste est longue. Nous avons entrepris quelques initiatives au niveau de l’association Culturelle Passerelle en organisant bien des débats et des rencontres entre écrivains du Maghreb. Il serait enfin. Judicieux d’aller de l’avant avec des structures associatives et des salons du livre un peu partout pour promouvoir la littérature maghrébine au Québec et lui donner une voix beaucoup plus forte au sein de la francophonie québécoise.
Échos littéraires : Mélomane, vous vous intéressez aussi aux musiques de consonances andalouses et les poésies soufies, ainsi que sur la problématique de l’immigration, de l’exil. Pour nous qui venons d’une culture orale, la musique de l’exil est un pan très touchant de nos personnalités, pensez-vous qu’on en fait assez dans ce domaine ?
Kamal Benkirane : Tout d’abord, il faut saluer certaines initiatives en ce qui a trait à la promotion des musiques andalouses, comme celles de certaines associations issues de l’Algérie et du Maroc. On pressent un écho positif dans nos communautés, mais cela ne doit pas rester intermittent et saisonnier. Il faut encourager nos jeunes à s’y mettre et prendre la relève, il serait pertinent aussi que ces orchestres ou associations établissent un programme annuel pour que le public puisse les suivre. Nous avons le devoir moral de préserver outre-frontières ce patrimoine andalou, le potentiel poétique et mystique qu’il recèle et surtout le transmettre aux générations futures. Finalement, ces structures associatives musicales andalouses devraient souvent penser à faire ce que font les autres communautés, c’est-à-dire présenter des demandes de subventions au conseil des arts de Montréal, au conseil des arts et des lettres au Québec et le conseil des arts du Canada dans le but d’enrichir leurs programmations et mettre plus en valeur cette musique patrimoniale.
Échos littéraires : Vous êtes animateur de l’émission littéraire Agora-Arts et lettres sur ICI Télévision-Canada. Je voulais avoir votre sentiment sur la présence de la diaspora nord africaines dans les médias d’Amérique du Nord ?
Kamal Benkirane : La présence de la diaspora nord-africaine dans les médias d’Amérique du Nord, est moyenne. Cela n’est pas ciblé, mais c’est cohérent de dire que plus la diaspora nord-africaine réalise de très bons coups dans tous les domaines, plus les médias nord-américains vont s’y intéresser ! Cela dit, ce n’est pas toujours le cas, car certains médias nord-américains et de surcroît québécois ne font pas l’effort d’aller vers certaines communautés pour des raisons qui sont ailleurs ! La diaspora nord-africaine regorge de potentialités dans tous les domaines, et j’ai encore le plaisir d’accueillir plein de talents souvent à l’émission Agora que j’anime chez ICI Télévision, il faut juste prendre conscience de la nécessité de l’engagement culturel et de l’engagement citoyen au sein de la société québécoise et canadienne. Enfin, la présence de la diaspora nord-africaine dans les médias d’Amérique du Nord, est proportionnelle à celle des autres communautés culturelles. J’ai le sentiment que les Maghrébins ont un bon potentiel de créativité, de professionnalisme et d’inventivité, il faudrait juste continuer à lutter contre “ le regard de l’autre” qui risque d’impacter sur le rendement positif de nos communautés.
Enfin, rappelons-nous toujours cette phrase d’Amine Maalouf: “C’est notre regard qui enferme souvent les autres dans leurs plus étroites appartenances, et c’est notre regard aussi qui peut les libérer.”
Échos littéraires : Merci beaucoup.
Kamal Benkirane : Un plaisir !
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