Catherine Lafrance, née en 1962 à Montréal, est une écrivaine, scénariste et journaliste québécoise. Après des études en communication à l’Université de Montréal et en scénarisation à l’INIS, elle a travaillé dans plusieurs médias d’information, notamment à Radio-Canada et à CBC North. Elle a coécrit la mini-série Vertiges, diffusée sur Série + et Netflix, qui a remporté plusieurs prix Gémeaux, dont celui du meilleur texte.
Elle a publié cinq romans et quelques nouvelles. Parmi ses œuvres, on trouve La saison froide (2011), Le retour de l’ours (2013), Jusqu’à la chute (2015), Le Christ couronné d’épines (2017) et Dans la pénombre on chuchote (2022).
Elle est également l’auteure de L’étonnante mémoire des glaces (2022), premier tome d’une série policière mettant en scène le journaliste Michel Duquesne, suivie du dernier souffle est le plus lourd (2023) et de Le rugissement des tempêtes (2024).
Catherine Lafrance est reconnue pour sa plume incisive et son engagement à explorer les enjeux sociaux et politiques à travers ses récits.
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Faire le deuil d’êtres aimés n’est pas facile. C’est sans doute la chose la plus difficile au monde. Mais que faire, lorsqu’on perd un membre de notre famille ? Certains vivent l’épreuve en s’isolant ou en se défoulant sur l’unique exutoire qui leur permette d’évacuer la douleur. D’autres s’autodétruisent ou fuient, dans l’espoir que la distance saura panser leurs plaies. À la toute fin, certains guériront, d’autres pas. Mais à tous l’espoir sera permis. Avec ce roman, Catherine Lafrance souligne le caractère très personnel des motifs qui l’ont poussée à écrire ce roman. Alors, comment survivre quand ceux qu’on aime plus que tout, nous ont quittés à jamais ?
Laura se jette à corps perdu dans tout ce qui peut l’empêcher de penser : déménagement, rénovations, alcool, ménage, et course à pied qu’elle pratique au-delà de ses limites pour oublier la douleur logée au fond de son cœur depuis cinq ans. Éric quant à lui, tente de se jeter dans le vide, du haut de son immeuble, dès qu’un souvenir souffrant émerge. Mais au moment de sauter, il hésite, laisse passer la crise, le moment, l’élan… et il fait marche arrière.
Quant à Joe, il veut fuir un passé qui le rattrape sans cesse pour lui recracher au visage ce à quoi il a tenté de se soustraire. Laura, Éric et Joe se rencontrent par hasard et des jours meilleurs se dessinent. La douleur s’apaise-t-elle quand elle est conjuguée au pluriel ? La curiosité prend le dessus très rapidement au fil des chapitres et fait place à un attachement grandissant pour ces trois victimes du destin.
À mesure que les pages défilent, on se surprend à espérer, la gorge nouée : s’en sortiront ils ?
C’est un roman noir et profond. Une lente descente aux enfers qui vous fera frémir ! « Jusqu’à la chute » est le roman du deuil. Trois destins, trois décès qui ne passent pas, puisque le temps s’est arrêté sur chacun des personnages. Trois écorchés qui ne savent comment s’en sortir. Le fils de Laura meurt tragiquement alors qu’il n’a que 20 ans. Laura se jette alors dans le travail, l’alcool et la course à pied. Éric est épargné par un accident fatal qui frappe sa femme, son frère et son meilleur ami. Pour fuir ce souvenir, il monte sur le toit avec l’intention de se jeter dans le vide. Un moment, puis redescend et enfin Joe, un jeune Amérindien qui a dû quitter sa réserve pour fuir un passé qui le poursuit et le hante, après avoir provoqué un accident grave.
Échos littéraires : Catherine Lafrance, bonjour, merci d’avoir accepté notre invitation. Ce roman est certes douloureux et pénible, mais c’est aussi le roman de l’espoir, celui qui nourrit notre résilience et nous transporte vers la lumière. C’est votre troisième roman, pourquoi avoir voulu le construire sur l’histoire de ces trois personnages ?
Catherine Lafrance : Pour illustrer l’injustice. Dans la vie ou devant la mort, nous ne sommes pas tous outillés de la même façon. Quand nous avons la chance de naître et de grandir dans un milieu bienveillant, nous disposons de davantage de ressources pour faire face à la vie et aux épreuves. À l’inverse, quand on est privé d’amour, de compassion, d’attention dans l’enfance, on sera démuni. C’est d’une grande tristesse, et elle s’ajoute au drame, dans cette histoire.
Échos littéraires : En bonne architecte, vous avez construit une bonne structure pour ce roman. Un livre qui a eu beaucoup de résonance, chez, celles et ceux qui ont eu à vivre une tragique disparition d’un proche. Ce roman aurait pu s’appeler : Quand la vie bascule. Comment vous est venue l’idée d’écrire ce roman ?
Catherine Lafrance : La façon dont les idées, qui mènent à la construction d’un roman, arrivent, est toujours, pour moi, un mystère. La réponse est : je ne le sais pas. Les idées s’imposent à moi, un beau jour, comme ça, et l’histoire prend forme. Souvent, les lieux m’inspirent. Quand j’ai eu l’idée de cette histoire, j’étais à Toronto, dans le secteur de la Don Valley. C’est là où se déroule le roman. Je n’ai pas de meilleure réponse. Je crois que le cerveau, quand on est en mode création, bouillonne… à notre insu. Il se fait son cinéma, et il fait surgir les histoires, comme un fruit mûr prêt à être cueilli.
Échos littéraires : Vous dites à juste titre que les humains ne sont pas tous égaux face aux grandes tragédies. Pendant que certains sont marqués au fer rouge d’autres tentent de tourner la page, en s’éloignant, en changeant, pensez-vous que nos personnages sont capables d’y arriver, pouvoir en guérir ?
Catherine Lafrance :Je ne crois pas que tous puissent guérir. Ça dépend de l’ampleur du drame, et, comme je le disais, des outils que nous avons, pour y faire face. C’est un peu ma définition du « destin » ; je ne crois pas que tout soit dessiné et décidé d’avance, mais je crois que des chemins se tracent, en fonction de l’endroit d’où nous partons. Et ce que nous appelons des « miracles « , c’est peut-être ce qui survient quand nous arrivons à sortir des ornières, et changer notre trajectoire.
Échos littéraires : Avec vos mots, votre style très sensuel, vous parvenez à nous faire partager vos sentiments, votre empathie pour des personnages au bord du précipice. Malgré la noirceur de ces trois êtres malheureux, on s’attache aux personnages. Comment vous êtes parvenue à puiser, cette idée de décortiquer les nuances de la perte, les visages de la résilience et la façon qu’ont certains humains de survivre à la vie, après que les êtres qu’ils aimaient le plus soient partis ?
Catherine Lafrance : Peut-être parce que c’est ce qui me fait le plus peur au monde. Peut-être que j’ai voulu affronter cette peur. Je suis mère et, donc, je connais toutes les inquiétudes. Je crois que la peur s’inscrit en nous dès que nous donnons naissance. C’est intrinsèque à la parentalité. Cette peur n’est pas que mauvaise, cela dit, puisqu’elle nous amène à être alertes. Perpétuellement aux aguets. Elle nous donne, non pas des ailes, mais une capacité à prévenir, et à évaluer les dangers. Un sixième sens. Et, dans certains cas, un roman, semble-t-il.
Échos littéraires : Loin d’être pessimiste, vous dites que la guérison est possible, vous utilisez d’ailleurs des moments ponctués de bouffées d’espoir. Est-ce grâce à cette multi personnalité que vous avez quand vous écrivez vos romans, qui est à l’opposé du journalisme que vous avez eu à faire pendant longtemps ?
Catherine Lafrance : Je ne suis pas une pessimiste, je ne l’ai jamais été. Je suis réaliste. Souvent optimiste. Oui, la guérison est toujours possible. On peut guérir de bien des choses. Améliorer son état. Aller vers la lumière. Écrire un roman fait appel à des techniques très différentes du reportage, par exemple, ou de l’écriture journalistique en général. Mais c’est dans la finalité des textes que cette différence est plus marquée. En journalisme, on expose les faits quels qu’ils soient, et on laisse le lecteur, ou téléspectateur en tirer ses conclusions. Dans la dramaturgie (que ce soit le roman, le théâtre, etc), on mène le lecteur vers une conclusion. On lui demande de nous suivre sur une route, souvent étroite, dès les premières pages. Cette route débouchera sur un endroit dégagé, qui offrira un point de vue. Dans un bon roman, on suit aveuglément l’auteur, où qu’il aille et on admire le paysage, à la fin.
Échos littéraires : Le roman est haletant, les fins de chapitres nous poussent toujours à continuer notre lecture et le rythme demeure effréné. Le public friand de polars a certainement trouvé un roman à la mesure de ses attentes. Y a-t-il d’autres polars en préparation ?
Catherine Lafrance : Oui. Je suis en rédaction du tome 4 des enquêtes de Michel Duquesne. Il devait paraître en 2025, si tout va bien.
Échos littéraires : Merci beaucoup pour cet instant magnifique.
Catherine Lafrance : Un plaisir.
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