Diplômé de maîtrise en lettres françaises à l’Université d’Ottawa, David Ménard est né en 1984 à Green Valley, dans l’Est ontarien. David est un traducteur, poète et romancier, reconnu pour sa grande sensibilité et son regard empathique, surtout envers les femmes marginalisées ou oubliées de l’Histoire. Il reste une voix prodigieuse de la littérature franco-ontarienne contemporaine.
Romans
Nous aurons vécu nous non plus (2011).
L’aurore martyrise l’enfant (2023).
Poésie et récits
Neuvaines (2015) – recueil de poèmes-prières,
Le ciel à gagner (2017) – poèmes inspirés de la vie de bureau et du vide urbain
L’autre ciel (2017) – récit poétique centré sur la transidentité et la quête d’identité
Poupée de rouille (2018) – conte féministe basé sur la légende de la Corriveau
Distinctions et engagements
Prix de poésie Trillium (2016)
Prix de l’Association des écrivains francophones d’Amérique (2016)
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C’est l’histoire de Marie-Anne Houde, qui attend la mort dans sa « chambre de mourante », à Montréal. Elle décide d’écrire une lettre à Télesphore, son vieil amour qui n’a pas toujours partagé ses sentiments. Ainsi, le lecteur découvre la jeunesse de Marie-Anne et les défis qu’elle a eus à surmonter, avant qu’elle ne commette l’irréparable. Pour avoir tué sa belle-fille Aurore Gagnon, Marie-Anne Houde est reconnue comme l’une des criminelles les plus odieuses du Canada. Son crime est l’un des pires cas de maltraitance infantile connus à ce jour au pays. Ce roman s’inspire librement de son histoire.
Rappel des faits
Aurore Gagnon est une fillette canadienne victime de maltraitance de la part de sa belle-mère, Marie-Anne Houde, et de son père, Télesphore Gagnon, dans un village situé dans le Centre-du-Québec. Elle est morte à 10 ans, en 1920, après avoir été torturée pendant des mois par sa belle-mère.
Échos littéraires : David Ménard, bonjour. Beaucoup de lecteurs ont été touchés par Poupée de rouille, ou vous avez donné un visage humain à la Corriveau, vous nous racontez cette fois un drame, qui a longtemps tenu en haleine le Canada entier. C’est l’histoire de Marie-Anne Houde, la femme qui a tué Aurore Gagnon. Vous vous êtes penché sur son enfance de misère, son statut de laissée-pour-compte et vous nous racontez les événements qui ont marqué sa vie avant de commettre l’irréparable. Pourquoi revenir avec cet épisode plus de 105 ans plus tard ?
David Ménard : Il y a longtemps que je souhaite revenir sur cette histoire, mais, à l’été 2020, est paru un sordide film d’horreur américain inspiré des incidents de Fortierville. Ce fut pour moi l’élément déclencheur à mon processus créatif. J’ai voulu m’éloigner de l’horreur et tenter de mettre un baume sur cette histoire. D’ailleurs, dans mon roman, il n’y a qu’un seul chapitre qui porte sur le meurtre commis par Marie-Anne Houde. Les femmes tombent souvent dans l’anonymat une fois qu’elles ont commis l’irréparable. Quand les hommes commettent des atrocités, on se souvient de leur nom (Guy Turcotte, Marc Lépine, Alexandre Bissonnette) et les femmes sont anonymes ou bien, on les renomme : marâtre, méchante belle-mère, etc. La Corriveau a connu le même sort. J’espère avoir réussi (un peu) à redonner son nom Marie-Anne Houde, même si je n’excuse pas ses gestes.
Échos littéraires : Le livre est avant tout un roman psychologique, qui met de l’avant une facette plus intérieure et plus émotionnelle. Sans jamais excuser le geste horrible de la belle-mère, vous abordez la maltraitance infantile sous l’angle de l’agresseur. Est-ce facile de se mettre dans la peau d’un tel personnage ?
David Ménard : Je ne choisis de travailler que sur des personnages que je porte en moi depuis longtemps et celui-ci m’habite depuis l’enfance. J’ai donc eu le temps d’y réfléchir. Marie-Anne Houde n’a pas eu de voix à son procès et, pour la première fois, cette histoire est racontée de son point de vue. On connaît très peu de choses sur elle, et j’ai voulu élucider la part de mystère qui planait sur cette femme que l’on traitait de monstre. Son histoire se résumait à son crime. Elle était une marâtre. Point final. On ne savait presque rien d’autre à son sujet. J’ai toujours souhaité comprendre ce qui l’avait mené à agir ainsi. C’est en étant possédé par cette volonté et ma passion habituelle pour les laissés-pour-compte que j’ai trouvé une certaine facilité à écrire ce livre.
Échos littéraires : Vous donnez une voix humaine à Marie-Anne, pour évoquer ses traumatismes d’enfance (comme son père qui était violent, il y’a aussi la pauvreté de l’époque) peut-on dire que, quelque part, vous lui trouvez des circonstances atténuantes. Cette histoire vous a longtemps habité et marqué …Pourquoi ?
David Ménard : Quand j’étais jeune, j’ai vu chez ma grand-mère le film La Petite Aurore, l’enfant martyre (1951), de Jean-Yves Bigras, basé sur le roman d’Émile Asselin (il s’agit du tout premier film québécois.). J’ai été marqué par ce long-métrage et, surtout, par l’orgue fort et inquiétant qu’on entend d’un bout à l’autre du film. J’avais demandé à ma grand-mère pourquoi cette femme agissait ainsi et ma grand-mère m’avait répondu que c’était parce qu’elle était tout simplement méchante. Évidemment, cette réponse ne m’a pas satisfait et elle a suscité un tas de questions en moi. C’est dans ma nature d’essayer de trouver des réponses, ou à tout le moins, de chercher des explications où il n’y n’en a pas. Trente ans plus tard, ça fait de beaux projets d’écriture! J’aime revisiter des affaires depuis longtemps classées et y repérer l’angle mort que personne n’a exploité jusqu’à présent. J’ai aussi subi de l’intimidation et de la violence à l’école lorsque j’étais enfant. Mon histoire ne se compare aucunement à celle d’Aurore et de Marie-Anne, mais j’ai quand même pu m’inspirer de mon vécu dans le cadre de ma démarche créatrice.
Échos littéraires : Cette tragédie québécoise est un des pires cas de maltraitance envers un enfant au Canada. Un drame qui a marqué l’imaginaire québécois. Est-ce que la société a définitivement tourné la page, sur ce genre de méfaits à votre avis, ou bien, nous ne sommes pas à l’abri de revivre des histoires similaires ?
David Ménard : Malheureusement, des cas de maltraitance infantile continuent à faire les manchettes partout dans le monde. En avril 2019, il y a eu l’incident de « la fillette de Granby », morte à la suite de sévices perpétrés par sa belle-mère. On a d’ailleurs énormément comparé ce meurtre à celui d’Aurore Gagnon, qui est survenu près de 100 ans plus tôt. J’ai décidé d’écrire sur Marie-Anne Houde plutôt que sur Aurore Gagnon, car, si l’on veut vraiment comprendre la violence faite aux enfants, on n’a pas le choix de s’intéresser aussi aux abuseurs. Sinon, on ne s’attaque qu’à 50 % de la problématique. J’espère que mon livre jette un nouveau regard sur cette triste histoire du passé en présentant une Marie-Anne Houde tourmentée, mais aussi forte et vraie. C’est une femme aux multiples facettes ; Une anti-héroïne qui est bien plus qu’un simple monstre.
Échos littéraires : Vous avez fait de grandes recherches pour vous documenter sur ce drame. Il y a notamment le musée de Fortierville qui est consacré à l’histoire d’Aurore, qui vous a mis en contact avec une descendante de la famille, pour avoir des informations privilégiées. Pensez-vous avoir fait le tour de ce triste épisode ?
David Ménard : J’espère bien que oui. Bien que mon roman ne légitime aucunement les agissements de Marie-Anne Houde, il cherche simplement à expliquer, un peu, ce qui l’a poussée à maltraiter et à tuer une enfant innocente. Comme Marie-Anne Houde était issue d’un milieu d’une pauvreté extrême et qu’elle a elle-même subi de mauvais traitements de la part de sa famille, elle n’a pu faire autrement que de perdre son chemin et de recréer ce qu’elle avait elle-même connu. Marie-Anne s’est mariée à un jeune âge pour assurer sa survie et elle est devenue une machine à faire des enfants, comme bon nombre de femmes du milieu rural du Canada français des années 1920. À son procès, son frère a révélé qu’elle était plus « mauvaise » avec ses enfants lorsqu’elle était enceinte. À mon avis, cette femme ne voulait pas être mère et elle s’est retrouvée, à l’âge de 23 ans, à s’occuper d’une dizaine d’enfants. Elle a été déçue et opprimée au plus haut point par la vie. À l’époque, les femmes avaient très peu de choix. Celles qui étaient pauvres en avaient encore moins. Pour améliorer leur sort, elles devaient se marier ou se prostituer. Même entrer en religion était réservé à celles qui avaient un minimum d’éducation. J’ose espérer que, si Marie-Anne avait vécu en 2025, son destin aurait été tout autre, et celui d’Aurore aussi.
Échos littéraires : Une question incontournable, pouvez-vous nous dire sur quoi vous travaillez actuellement, et est-ce que nous allons bientôt avoir entre les mains un de vos derniers romans ?
David Ménard : Mon prochain roman sera publié au début de l’année 2026 aux Éditions L’Interligne. Il s’intitulera : Tuxedo kid, mon amour. Il s’agira, encore une fois, d’une histoire de true crime revisitée.
Échos littéraires : Merci beaucoup
David Ménard : Un plaisir !
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